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#2 - Renaud, Head of Product chez Neovel : La réthorique une arme souvent sous-estimée?

Dernière mise à jour : 12 avr.




Description


Bienvenue sur 'Be My Product' pour notre deuxième épisode. Aujourd'hui, nous sommes ravis d'accueillir Renaud Couttet, Head of Product chez Neovel, une plateforme innovante dans le monde des web-novels français et coréens, offrant un large éventail de genres à découvrir. 


Renaud, en sa qualité de Head of Product, occupe une position clé dans la conduite de projets innovants, en faisant valoir son expertise en rhétorique et en gestion de produit.


1️⃣ Qui est Renaud ? Immergez-vous dans l'histoire de Renaud, de ses débuts jusqu'à son rôle prépondérant chez Pitchy puis Neovel , illustrant un parcours jalonné d'expériences enrichissantes et formatrices.

2️⃣ Son rôle chez Neovel : Découvrez comment Renaud orchestre son quotidien en tant que Head of Product, ses stratégies de pilotage de projets, ses convictions fortes en matière de Product Management, et comment il emploie la stratégie pour unifier les équipes autour de la vision.

3️⃣ Ses défis : Renaud partage les obstacles qu'il a surmontés durant sa carrière, façonnant sa ténacité et sa méthode distinctive en gestion de produit. Il met en lumière la nécessité d'une stratégie claire pour naviguer les challenges et innover.

4️⃣ Le poids de la politique dans le Produit : Explorez comment un PM peut s'inspirer de la science rhétorique pour harmoniser ses parties prenantes et promouvoir la culture Produit au sein de l'entreprise, soulignant le "pourquoi" de la rhétorique comme levier stratégique.


🔍 Cet épisode offre un regard unique sur le croisement entre rhétorique et gestion de produit, enrichi par les expériences vécues par Renaud tant chez Neovel que chez Pitchy. Idéal pour ceux désireux de peaufiner leur gestion de produit à travers des méthodes de communication avérées.


📚 Les références de Renaud :


📍 Rejoignez-nous pour explorer ensemble les hauts et les bas du product management, guidés par l'expérience et les insights de Renaud et d'autres experts du Product Management.


Transcript

00:00:00 - Jérôme

Bienvenue à tous dans ce deuxième épisode de Be My Product, le rendez-vous incontournable pour tous les passionnés du product management. Aujourd'hui, dans cette édition de notre podcast, nous allons encore une fois enrichir notre compréhension de ce domaine fascinant.

Je suis Jérôme, toujours en tout du reste engagé à vous guider dans cet univers. C'est avec un grand honneur que j'introduis notre invité d'aujourd'hui, Renaud Couttet, Head of Product chez Neovel. Renaud, un immense merci d'être ici avec nous. Comment vas-tu ?


00:00:28 - Renaud

Merci à toi déjà de m'inviter, ça va super bien. Et toi ?


00:00:32 - Renaud

Toujours un honneur de pouvoir présenter ce podcast.


Avant de nous lancer dans le sujet, permettez-moi de décrire brièvement la structure de notre émission. L'épisode de ce podcast se compose en deux parties distinctes. Dans la première partie, d'environ 25 minutes, nous explorerons le parcours de notre invité.

Pour la seconde partie de 20 minutes, notre invité Renaud a la liberté de choisir un sujet qui lui est cher. Renaud a opté pour un thème captivant, l'utilisation de la rhétorique comme outil stratégique dans les aspects politiques du métier. Renaud, es-tu prêt à partager tes perspectives uniques et à éclairer notre public sur l'importance de la rhétorique dans le product management ?


00:01:30 - Renaud

Oui, monsieur, je suis prêt.


00:01:32 - Jérôme

Allez, c'est parti. Commençons par le début, Renaud. Peux-tu présenter à nos auditeurs et nous parler un peu de ton parcours ?


00:01:40 - Renaud

Salut Jérôme, salut à tous. Moi, je m'appelle Renaud. Comme tu l'as dit, je suis Head of Product chez Neovel, une petite start-up qui fait du webnovel.

On y reviendra peut-être quand on fait de la littérature en ligne.

J'ai 32 ans, j'ai commencé le produit il y a à peu près 5 ou 6 ans maintenant, avant d'arriver dans le produit parce que du coup, je suis arrivé sur mes 26 ans, je crois, donc un peu tard, entre guillemets, travailler dans l'industrie musicale, donc rien à voir avec le product management.

Et avant ça, j'avais fait de l'hôtellerie, de la restauration, des choses comme ça. Donc, j'ai pas mal valdingué avant d'en arriver au produit. On pourra peut-être revenir en détail sur tout ça.


00:01:32 - Jérôme

Justement, on va en parler. Avant de devenir Head of Product, quel a été ton chemin ?

Comment es-tu arrivé dans le product management ?


00:01:40 - Renaud

Il y en a eu pas mal, effectivement. C'est un parcours, comme je le disais, qui est un peu loin des sentiers battus. Pour l'affaire assez courte et simple, moi, à 18 ans, le constat, il est que je suis déscolarisé, que je ne suis pas bon en école.

Contrairement au mois où le premier, je recrute aujourd'hui des gens qui ont fait des grandes écoles et tout ça, je ne me serais jamais recruté. En fait, à l'époque, ça n'a jamais été de l'autre côté de la barrière à ce moment-là. Donc, j'arrête l'école à 18 ans.

Et ma première grande expérience, là, tu te retrouves un peu dans le bain de la vie des adultes. Il n'y a plus de cadre, il n'y a plus rien. Je pars en Angleterre pour travailler en hôtellerie et restauration. Un peu parce que je n'ai concrètement rien à faire de ma vie.

J'ai eu la chance d'avoir un cousin qui travaille dans un hôtel là-bas et qui me dit « Ecoute, plutôt que de rien faire sur ton canapé, viens faire quelque chose et accessoirement apprendre l'anglais, ça peut être utile. » Donc, la première grosse expérience, c'est ça, quitter le cocon familial à 18 ans, partir un peu avec son petit baluchon dans un pays que tu ne connais pas.

Moi, je viens d'un tout petit village du sud de la France et j'atterris dans une capitale européenne où je ne parle pas la langue et tout ça pour un contraste culturel. À ce moment-là, il est assez violent. Donc, ça, ça a été la première grosse expérience.

Je reste un an en Angleterre. Ensuite, je rentre en France. Je reprends mes études parce que là, quand même, après avoir travaillé pour de vrai, j'ai compris que l'école, ce n'était pas si nul que ça. Je vais suivre un parcours d'école de commerce. Je fais un petit saut dans le temps jusqu'au master.

Je vais renouer avec un vieux rêve qui était de travailler dans les médias, faire du journalisme, d'investigation, des choses comme ça. Enfin, renouer. On va voir si c'est un peu plus compliqué que ça. Donc, je monte à Paris. Je monte à la capitale pour faire un master en production audiovisuelle et musicale.

Donc là, on est encore très loin du product management à ce moment-là. Et ça va m'amener à une deuxième grande expérience de ma vie qui est de ne pas du tout faire du journalisme finalement, mais à travers ces études-là, de venir chargé de casting pour des émissions musicales, notamment un truc avec un fauteuil rouge et des gens qui se retournent sur TF1 et puis sur d'autres projets aussi.

Je pense que tout le monde verra à peu près de quoi je parle. Je crois qu'on visualise l'émission. Je pense que vous visualisez un peu. Et du coup, je me retrouve à la deuxième grosse expérience dans un milieu où je ne viens pas du tout du milieu musical à l'origine.

Je ne suis pas chanteur, je ne suis pas musicien. Donc, ça aussi, c'est une expérience assez folle. On pourra y revenir plus en détail après, mais c'est fou à plein de niveaux. Je fais ça quelques années et ensuite, je décide de refaire un master un peu en reconversion professionnelle.

Si on peut parler de reconversion à 26 ans, je ne sais pas. C'est peut-être un peu jeune, mais en tout cas, c'est un peu comme ça que je le voyais à ce moment-là. Et c'est là que je vais décider de faire un master dans le digital de manière assez large parce que je me dis que l'industrie musicale et du spectacle, c'est cool, mais je ne me vois pas être intermittent toute ma vie.

Donc, qu'est-ce que je fais à ce moment-là ? Je renoue avec une vieille passion là aussi qui était le côté informatique, numérique, tout ça. Et je me dis pourquoi pas en faire un métier ? Je reprends un master dans le digital et c'est là que je commence à découvrir un peu les prémices du product management.

Ça me plaît et de fil en aiguille, je vais faire un stage en entreprise depuis la CDI. Puis, je vais rencontrer Jérôme sur un podcast.


00:03:45 - Jérôme

Bon, maintenant, on veut savoir un peu plus comment tu es arrivé un peu dans le product management. Il y a vraiment une expérience déclencheuse qui t'a permis de remettre les pieds dans le plat comme ça ?


00:03:47 - Renaud

Alors, en vrai, la première, comme je viens de le dire, c'est quand je décide de refaire un nouveau master et de me reconvertir entre guillemets. À ce moment-là, je trouve une alternance avec un producteur musical pour faire des applications de musique.

Alors, je vais mettre producteur entre gros guillemets parce qu'il s'avère que cette expérience se terminera aux prud'hommes et que ça va être très compliqué. Ce n'est pas l'expérience que je peux recommander à tout le monde. Mais en tout cas, c'est la première fois que je réfléchis à ce que ça veut dire de faire des applications sur un téléphone.

Suite à ça, cette alternance s'arrête et à un prud'homme. Alors, rassurez-vous, je gagne les prud'hommes. D'ailleurs, merci à mon avocat puisque j'ai pris un petit chèque. Très sympathique. Donc, je termine quand même mon master. L'école finance la fin de ma formation.

Et là, je vais faire un stage dans une startup qui s'appelle Pitchy. Plus une scale-up aujourd'hui. C'est un logiciel de création vidéo. C'est du SaaS. Et ça se passe super bien dans cette startup. Donc, après quelques mois de stage, j'y reste en CDI.

Et puis, je vais y rester quatre ans avant de changer pour ma nouvelle boîte dans laquelle je suis aujourd'hui.


00:04:35 - Jérôme

Et ça fait combien de temps maintenant que tu es Head of Product chez Neovel ?


00:04:40 - Renaud

Ça fait un an à peu près tout pile.


00:04:45 - Jérôme

Ok. Et tu peux nous donner un peu et partager un peu avec les auditeurs des ressorts de références, des podcasts, des livres qui ont pu t'inspirer dans ta carrière et que tu recommanderais ?


00:05:25 - Renaud

Oui, bien sûr. Alors, les premiers, je ne vais pas faire très original, mais l'œuvre de Marty Kagan, Inspired, avec mon bel accent anglais. Évidemment, une référence. J'aime beaucoup les travaux de Teresa Torres aussi. Je ne pense pas être une grande découverte pour la plupart de nos homologues.

Puis, on a la chance quand même en France d'avoir pas mal de littérature et de podcasts et plein de choses en tous langues. Moi, j'aime beaucoup les podcasts comme Tradewood. Il y a aussi des créateurs LinkedIn que je suis. On les connaît à peu près tous.

Je penche aussi un framework que j'ai beaucoup aimé ou en tout cas qui m'accompagne beaucoup, c'est "Discovery Discipline".

Alors, je ne veux pas écorcher leur nom. Je crois que c'est Rémi Guyot et Tristan Charvillat qui se sont connus chez Blablacar. Je crois que je n'écorche pas leur nom, qui est un super, à mon sens, un super mode de réflexion pour faire du product management.

Donc, voilà un peu sur la partie product. Il y a un peu tout ça. Puis après, il y a la partie rhétorique. On y reviendra un peu après.


00:07:12 - Jérôme

C'est très bonne référence. On pense à Timothée et son podcast Clé de Voute. C'est un super podcast français qui fait vraiment rayonner le product management, en tout cas en France.

Donc, merci Timothée pour ce super podcast. On va maintenant passer à la partie focus sur ton rôle de head of product. On va partir un peu plus en détail sur ton rôle. Tu peux nous décrire un peu ton rôle et tes responsabilités au sein de ton organisation ?

Comment cela impacte-t-il l'entreprise ?


00:07:51 - Renaud

Oui. Alors, en fait, nous, Neovel, on est vraiment une start-up très early stage. Mon rôle en réalité, c'est plus du first PM. Le management, il n'est pas toujours là. Des fois, je peux avoir un UX avec moi.

Des fois, je n'en ai pas. Ça dépend des budgets et des moments. Donc, je suis first product manager. La particularité de ce rôle-là, c'est qu'il y a à la fois les responsabilités stratégiques du C-Level, parce qu'on est là pour ça. Et en même temps, il faut être très opérationnel et mettre les mains dans le cambouis.

Typiquement, quand je n'ai pas d'UX avec moi, j'ouvre mon petit Figma et je fais toutes mes maquettes. C'est ma discovery comme un grand. Encore une fois, il faut être capable de faire le grand écart entre du pixel parfait de l'un côté et de ce qu'est la strap qu'on doit mettre en place de l'autre.

Je pense que la particularité, elle est là. C'est à la fois stimulant, très stimulant même. C'est beaucoup de boulot, évidemment. Et je pense que tous les gens qui sont passés par la case First PM voient à peu près ce que c'est. Ce n'est pas que le rôle stratégique que l'on connaît, c'est aussi le côté multi casquette.

Il faut un peu toucher à tout. Exactement. Pour moi, c'est vraiment s'il fallait définir une qualité pour être le premier PM d'une jeune entreprise qui se lance. Il faut être au couteau suisse et il faut aimer tout ça.


00:08:45 - Jérôme

Et en quoi consiste exactement ton rôle au quotidien en tant que Head of ?

Tu as des spécificités liées à ton organisation que tu pourrais nous partager ou pas ? Des spécificités ?


00:09:02 - Renaud

Honnêtement, non. Je ne pense pas à de grandes spécificités qu'on aurait. Globalement, on est une application principalement mobile, mais pas que.

L'expérience principale, elle est du côté mobile. Il va y avoir des spécificités de ce côté-là, de comprendre comment ça marche. Cet écosystème-là, avant moi, je venais du SaaS, donc pas du tout le même écosystème, pas les mêmes technos. Il y a des enjeux à ce niveau-là.

Le B2C, c'est évidemment un petit peu différent du B2B. Je suis venu là aussi pour développer cette double casquette. Je ne sais pas si on peut parler spécificité, mais la donnée, tu ne vas pas la traiter de la même manière en B2B et en B2C. Là, en B2B, tu as toujours une couche de réelles discussions avec des gens qui sont contraints avec toi et qui ont aussi du levier.

D'ailleurs, on y reviendra quand on parlera de rhétorique. Là, le B2C, tu es plus face à du trafic. Comment tu étais pour analyser ce trafic-là quand tu as plusieurs milliers d'utilisateurs ? Tu ne peux pas interroger 10 000 personnes. Tu ne vas pas prendre 10 000 cafés.

Comment tu fais ? Il y a plus des notions de trafic dans la manière d'analyser la donnée. C'est un petit peu différent du B2B, mais on n'est pas très loin non plus. C'est quand même le même métier, les mêmes méthodologies qu'on va appliquer.


00:10:38 - Jérôme

Est-ce qu'on peut parler de notion de quantité et de qualité de ce que tu as là ou pas ?


00:11:13 - Renaud

Je pense que le quali va être plus déporté sur de l'hybride et de l'ergonomie. Dès qu'on parle de B2C, on a une plateforme de lecture, donc on a un usage qui est hyper volatil. Si l'utilisateur ou le lecteur ne trouve pas dans les deux cliniques l'oeuvre qu'il a envie de lire… En fait, ce n'est pas quelqu'un qui est engagé avec toi.

Donc, s'il ne t'a pas convaincu dans les premières secondes, il te dit bisous, au revoir. Tandis que le B2B, surtout sur le modèle SaaS, tu es souvent contractualisé de manière pluriannuelle. Donc, tu peux construire une relation longue durée avec plus d'accompagnement humain.

Tu peux avoir plus d'accompagnement aussi du côté utilisateur. Après, dans le software, ça va être souvent des logiciels qui sont plus complexes. Le but d'une application B2C, ce n'est pas qu'elle soit complexe au concret, c'est qu'elle soit quand même la plus simple possible et donc, à mon sens, la plus épurée possible.

Ce que je répète à longueur de journée, c'est que je veux que mon time to value soit juste le plus faible possible. C'est un peu mon manque d'ancrage. Je ne veux pas que mon lecteur, il a cherché quoi que ce soit. Je veux que ce soit le plus straight to the point possible, moyennant des contraintes.

Il faut aussi parfois se créer un compte et voilà comment tu vas gérer des logiques d'achat et des logiques de frustration aussi parce que tu ne peux pas tout faire… Tout n'est pas gratuit forcément. Il faut bien qu'à un moment donné, quelqu'un qui paye.

Donc, tu as des frustrations comme ça à gérer. Mais c'est vraiment… L'enjeu sur la partie lecture, c'est que ce soit le plus simple, le plus intuitif possible et tu n'as pas le droit à l'erreur. Tu peux passer un peu plus de temps à expliquer si les choses sont complexes et pas très UX.

On va dire ça comme ça. Tu as quand même souvent des customers success qui vont pouvoir aider tes utilisateurs. C'est un peu plus nuancé, je dirais. C'est trouver vraiment cet équilibre entre parcours utilisateur, facilité d'utilisation et rentabilité au final.

C'est ça, rentabilité. Et profondeur fonctionnelle aussi. C'est là pour le coup, on a tous vécu le côté feature factory. Les conseils très fortement, on dit tout le temps, on dit tout vite à un nouveau client. Des fois, tu es un peu obligé de prendre la feature qui fait que la personne, elle va signer le gros chèque.

Là, on dit aussi en fait, plus tu fais de la feature factory, plus tu complexifies ton application, plus tu prends le risque que la personne, elle rebondisse parce qu'encore une fois, elle n'est pas liée à toi. Si ça ne lui plaît pas dans les 30 secondes, elle te dit au revoir.

Donc, ça implique d'être plus attentif à ça, je trouve.


00:13:45 - Jérôme

Merci en tout cas pour ces explications sur ton rôle de head of. Maintenant, si tu devais choisir trois qualités qui te démarquent en tant que head of product, ce seraient lesquelles ?


00:14:05 - Renaud

C'est toujours du plus de parler de soi comme ça, mais je dirais la première, c'est la versatilité.

C'est ce côté couteau suisse dont on a parlé un peu tout à l'heure. Quand tu es first man, de toute façon, tu dois toucher à tout. Si ce n'est pas un truc qui te plaît, ce n'est pas possible. Et après, je me considère un peu dans la team des bons soldats.

C'est-à-dire, là encore, ceux qui n'ont pas peur de mettre les mains dans le cambouis, de faire des tâches très opérationnelles, même si avec ta séniorité, tu peux estimer que c'est plus court à toi de le faire. Mais bon, voilà, moi, ça ne me dérange pas de le faire.

Au contraire, ça me permet de garder un contact au terrain. Oui, je pense que j'ai un peu le sens des responsabilités quand même, ce qui est plutôt utile au quotidien. Le bon soldat, il sait ce qu'il a à faire et que ça lui plaît. En fait, je ne me pose pas la question au quotidien de savoir si ça me plaît ou ça ne me plaît pas.

Je fais ce que j'ai à faire. À mon sens, c'est une qualité qui me vient, je pense, de l'hôtellerie-restauration et ce côté un peu militaire dans le management. Et en troisième, pareil, un peu lié à ça, une forme d'autodiscipline et d'endurance. Oui, on ne va pas se mentir, quand on est dans des petites boîtes qui sont en recherche de produits de market fit (PMF), ce n'est pas tous les jours évident quand même.

Tu n'as pas une survie qui est assurée. Donc, il faut être capable d'être un peu endurant et aussi discipliné pour dire OK, je vois que c'est compliqué, mais ce n'est pas grave, j'avance. Tu as ce côté un peu de rien lâcher. Oui, ce côté de ne rien lâcher, c'est ce qui est compliqué.

Il faut à la fois ne rien lâcher et en même temps, il faut essayer de ne pas tomber dans l'entêtement et de ne pas s'enfoncer dans une direction qui ne serait pas la bonne. Donc, c'est un équilibre permanent entre tu lâches rien, tu avances, tête baissée.

Encore une fois, le bon soldat qui va courir dans sa tranchée et qui n'a pas peur des balles autour de lui. Et en même temps, il faut être un peu pragmatique. Si tu es en train de te jeter devant une mitrailleuse, ce n'est pas la meilleure idée. C'est un équilibre permanent entre les deux.

Donc, se remettre en question, c'est ce que tu veux dire. Oui, c'est ça, bien sûr. Une boîte qui cherche un product market share, c'est une boîte qui se remet en question toutes les deux heures. Je pense qu'on a tous eu cette expérience.


00:15:01 - Jérôme

Merci en tout cas Renaud sur ces explications sur ton rôle de Head of. On va maintenant passer à la partie challenge et réussite. C'est vrai que chez Be My Product, on a quand même à cœur de vouloir mettre en avant un peu les parcours des invités et mettre vraiment la transparence au centre de la table.

On va maintenant parler vraiment de ces différents challenges, réussites et peut-être aussi échecs que tu as pu rencontrer. On sait tous qu'on a des hauts et des bas dans nos carrières respectives. Quels sont pour toi les défis et les réussites qui t'ont particulièrement marqué ?


00:15:32 - Renaud

Ce qui est intéressant, je pense que c'est plutôt relatif à mon parcours dont on a également parlé juste avant. J'ai le sentiment que les plus gros challenges que j'ai eu à affronter dans ma vie ne sont pas ceux du Product. En tout cas, pas aujourd'hui, peut-être que ça viendra demain.

C'est plus ceux que j'ai connus avant et qui m'ont emmené au Product. Le premier, comme je te le disais, c'est ce parcours scolaire qu'on a qualifié d'un peu suspicieux. Le côté des scolarisations, j'étais un mauvais élève, je n'aimais pas l'école. Il y avait plein de raisons qui faisaient que ça ne fonctionnait pas.

Donc, je ne suis pas du tout le profil prépa HEC qu'on voit souvent et qui cartonne très bien d'ailleurs en Product Management. Le premier gros challenge, c'était ça en fait. C'était quand tu sors de ton école à 18 ans, enfin du lycée à 18 ans. Je m'étais inscrit d'ailleurs, pour la petite anecdote, dans une école d'animateurs radio à l'époque.

Je n'étais pas du tout dans un cursus, dans une volonté scolaire. Et il s'avère que cette école a eu des soucis financiers, elle a fait faillite. Et du coup, je me suis retrouvé à la rentrée, je n'avais plus d'école et tout ça. Là, tu te retrouves vraiment, du jour au lendemain, la vie d'adulte te dit bonjour et tu ne sais absolument pas quoi faire.

Donc, le premier gros challenge, ça a été ce départ à Londres dont j'ai un petit peu parlé. Je ne parlais pas un mot d'anglais, j'arrive dans une grande ville, je me mets à travailler dans l'hôtellerie-restauration parce que comme je le disais, j'ai la famille qui me permet d'avoir un poste là-bas.

Et ça va être une expérience d'où vient le challenge. Je pense qu'il va venir du fait que ce membre de ma famille, il va un peu se mettre en mode Pascal le grand frère. Donc déjà, pour ceux qui ont fait de l'hôtellerie-restauration, je pense que vous voyez ce que c'est l'organisation d'une cuisine et tout ça, c'est très militaire, c'est très strict.

Donc forcément, quand tu es un petit con qui n'aime pas l'école, ça te fait un peu bizarre. Et en plus, je vais avoir un niveau d'exigence. En fait, c'est la première fois que je vais avoir un niveau d'exigence extrêmement élevé sur ma tête parce que le fait que je sois le cousin d'eux, en fait, ce n'est pas du tout un cadeau.

Si on va m'en demander deux fois plus, trois fois plus, c'est pour ça que c'est vraiment un mode "Pascal le grand frère". Donc je me prends giffle sur giffle au départ, c'est super compliqué. Et petit à petit, je me prends au jeu de ces exigences-là et je commence à m'épanouir jusqu'au stade où en fait, on n'exige plus rien de moi parce que je passe continuellement mon temps à me rincer la barre, à travailler toujours plus.

Je travaillais à la fois d'abord dans la cantine du restaurant, puis après, j'ai travaillé sur le bar du restaurant en plus, c'est Sofitel, pour ne pas nommer la marque. Donc c'est un bar, il faut être très classe, il y a aussi ces enjeux-là et on travaillait comme des balades.

Je crois que j'avais fait le calcul, en moyenne, je faisais à peu près 68 heures par semaine ou 70, je ne sais plus.


00:18:07 - Jérôme

Ça, c'était des horaires standards pour l'hôtellerie.


00:18:10 - Renaud

Des horaires standards et puis surtout, c'est 70 heures par semaine, je dis bien de moyenne, où tu restes debout. Mon rôle, c'était de nettoyer des verres, de faire un peu la plonge, d'aider les barman en fait, ce n'est pas 70 heures d'un ordinateur. Donc c'était une expérience même physiquement folle, intellectuellement folle, parce que ça m'a appris de la vie, on ne va pas se mentir.

Et culturellement aussi, je ne parlais pas un mot d'anglais au départ, donc il fallait bien s'adapter à tout ça. Et clairement, je te parlais un peu du côté bon soldat, le côté discipline, c'est ce challenge-là qui m'a amené à tout ça. Sans cette expérience-là, je n'aurais jamais eu ce bagage-là, je pense.

Peut-être que je l'aurais appris autrement, mais en tout cas, c'est grâce à ça que je suis devenu cette personne et la personne que je suis aujourd'hui, en tout cas, très clairement.


00:18:57 - Jérôme

Et tu as un autre challenge qui te vient en tête, que tu pourrais mettre en avant, pas forcément lié au produit ?


00:19:02 - Renaud

Alors le deuxième plus gros qui m'est venu en préparant l'émission, ça aussi j'en ai un petit peu parlé, c'est quand j'arrive à Paris pour, à l'origine, devenir journaliste, ou en tout cas travailler dans le journalisme, et que je me retrouve, par divers procédés, à être chargé de casting sur l'émission « The Voice » dont on a parlé.

Alors là, deuxième gros challenge, parce que je n'ai aucun bagage musical, je ne suis pas chanteur, je ne suis pas musicien, donc là, j'expérimente pour la première fois le biais de l'imposteur. Je me dis, mais qu'est-ce que je fais là en fait ? Je suis super content d'être là, mais qu'est-ce que je fais là ?

Et au-delà de ce biais de l'imposteur qui te reste pendant longtemps quand tu fais ce genre de métier, il y a le côté qu'au début, je ne suis pas bon en fait, tout simplement. Et c'est la première fois de ma vie que je me sens confronté à un truc où, vraiment, je n'y arrive pas, tu vois.

En gros, mon métier à ce moment-là, c'est de trouver des artistes pour participer à l'émission « The Voice » et aussi à d'autres projets, parce que contrairement à, peut-être, la croyance populaire, ce n'est pas juste des gens qui s'inscrivent et toi tu tries des candidatures, non, ça ne se passe pas comme ça.

En réalité, il faut aller chercher des gens soi-même. Et c'est beaucoup plus compliqué des progrès qu'on peut croire. Et quand tu n'as pas de réseau et que tu ne connais pas grand-chose à ce métier, c'est un peu compliqué. Donc au début, je galère, je galère, je galère, bien à un moment où je sens que je n'ai pas la confiance des gens qui bossent avec moi aussi, parce qu'à un moment donné, quand tu n'as pas de résultat, les gens n'ont pas confiance en toi et c'est tout à fait normal.

Donc je me pose la question, est-ce que j'arrête ? Est-ce que je continue ? Et là, je repense justement à cette expérience londonienne et je me suis dit, OK, si je dois arrêter, c'est parce qu'on me dit d'arrêter, parce que, tu vois, en gros, c'est parce qu'on me dit, mais moi, je ne veux pas avoir le regret de dire, je n'ai pas donné 100% de ce que je pourrais faire.

Donc à partir de ce moment-là, je me mets en mode machine, je travaille nuit et jour, je ne fais que ça, c'est-à-dire travailler, manger, dormir, en gros, pour me créer un réseau, pour commencer à développer un discours, on y reviendra sur la partie rhétorique aussi, comment convaincre des artistes de participer à ton projet, c'est un peu là que j'ai découvert la rhétorique.

Et petit à petit, ça paye, parce que je commence à trouver un artiste, puis un deuxième, puis un troisième, et puis j'ai rattrapé mon retard, mais il y a deux ou trois mois de d'adaptation, je vais continuer à faire ce métier pendant deux ou trois ans.

Donc là encore, la morale de l'histoire, en vrai, c'est que, je vais te mettre de gros guillemets, il suffit de bosser plus que tout le monde, il suffit de se bosser. Donc ça, évidemment, il faut avoir un peu de chance aussi, mais quand tu as décidé que tu te mettais à 100% derrière un truc, en général, tu ne sais pas la vérité.


00:21:38 - Jérôme

Oui, je vois très bien. Oui, oui, c'est ne pas lâcher, c'est ce côté toujours, on en revient toujours à la même chose.


00:21:44 - Renaud

Ou alors, si tu lâches, c'est parce que quelqu'un t'a dit stop.


00:21:47 - Jérôme

Ou que tu n'en peux plus.


00:21:49 - Renaud

Oui, ce qui est possible aussi, mais en tout cas, repousse tes propres limites et tu verras que quand même, ça marche toujours.


00:21:54 - Jérôme

Oui, ça paye toujours. En tout cas, merci pour ces deux challenges. On prône vraiment avec ce podcast la transparence. On va parler maintenant d'un sujet un peu plus sensible, notamment en France, c'est la notion des échecs. Tu pourras vraiment nous citer un échec en lien avec ton métier ?


00:22:08 - Renaud

Il y en a un qui me vient, en tout cas, que je considère comme un échec, même si la société va bien et a continué de grandir. C'était dans ma précédente boîte, en gros, j'essayais de le faire assez succinctement. C'est un logiciel de création de vidéos avec des logiques d'infrastructure et de techno et de R&D derrière assez lourdes.

C'est ce qui était aussi très cool d'ailleurs. Et à un moment, il y a un mouvement stratégique, technologique qu'on n'aurait pu faire. Et avec mon ancienne responsable, on a un peu tout mis en place pour dégrossir et faire un POC de ce truc-là. Et ça avait super bien marché.

Enfin, il y avait vraiment un peu le projet de recherche clé en main. Et puis, la société, pour diverses raisons, a décidé de ne pas suivre ce projet-là parce qu'effectivement, c'était de l'R&D, c'était du temps, c'était potentiellement beaucoup d'investissement, de ce que je comprends.

Le côté vraiment innovation, c'était trop innovant pour la politique de l'entreprise à ce moment-là. Et malheureusement, ce projet, on l'a laissé de côté. Et il s'avère qu'il s'est passé ce qui devait se passer. C'est-à-dire qu'on a l'un des principaux concurrents qui, lui, a creusé ce sujet-là, est allé sur ces technos-là et a bien fonctionné avec ces technos-là.

Donc, ça reste un petit amertume de parcours. Et là aussi, l'enseignement que j'en tire, c'est un peu la même chose que ce que je te disais précédemment. Nous, on a tout mis en place pour ce POC. Et puis après, tu n'es pas responsable de tout. Et c'est normal qu'une politique qui est aussi une entreprise qui cherche à minimiser le risque, à considérer que c'était trop risqué.

C'est juste dommage parce que tu te dis qu'on aurait peut-être pu faire encore quelque chose de plus grand.


00:23:47 - Jérôme

Oui, tu te sens limité un peu dans ton… Oui, c'est normal.


00:23:52 - Renaud

C'est frustrant et en même temps, je me dis, est-ce que si j'avais été à la place de mes fondateurs à ce moment-là, est-ce que j'y serais allé sur ce projet ? Je ne suis pas sûr parce que ça fait peur aussi quand tu parles de R&D de plusieurs mois, peut-être un ou deux millions d'euros.

Ce n'est pas évident de dire « let's go », surtout pour une petite boîte. Donc oui, ça reste une frustration, ça reste un échec de parcours qui, moi, me fait dire qu'on n'est pas allé aussi grand que ce qu'on aurait pu. Mais la boîte va très bien aujourd'hui, donc finalement, ce n'est peut-être pas si grave.

C'est ça aussi la morale de l'histoire, c'est qu'on a tous des échecs, mais bon, ce n'est pas si grave.


00:24:26 - Jérôme

On s'en relève toujours, c'est ça l'essentiel.


00:24:28 - Renaud

Oui, puis ce n'est pas la fin d'une aventure en échec, c'est une étape finalement. Il y en a plein, je t'en parle d'un qui a eu un impact stratégique sur l'entreprise. Mais après, au quotidien, je pense qu'il n'y a pas forcément de grands échecs qu'on fait tous les jours.

Mais par contre, notre vie professionnelle est jalonnée de plein de petits échecs au quotidien. Finalement, je vais te dire un truc bête, mais tu as fait ta QA sur un futur qui a raté un truc, tu as mis un bug en production, c'est un échec. On a plein de petits échecs au quotidien et je pense que c'est important d'être en colère contre soi-même quand ça arrive.

Je déteste les gens qui ne sont pas un peu en colère contre eux. J'aime bien que tu aies un peu d'ego et que tu te dises que ça n'aurait jamais dû passer. Et après, un, ce n'est pas la fin du monde et deux, juste regarde les raisons qui t'ont amené à faire cette erreur-là et tire-en les conclusions pour ne pas le refaire.

C'est comme ça qu'on progresse en fait.


00:25:19 - Jérôme

Oui, mais c'est la notion de culture de l'échec qui est anglo-saxonne et qui n'est pas forcément très bien compris en France. C'est que l'échec fait partie de la courbe de passage et on doit passer par l'échec pour pouvoir progresser au final.


00:25:30 - Renaud

Oui, c'est l'histoire de la vie. Je vais faire une phrase un peu débile, mais c'est parce qu'il y a des gens qui meurent qu'il y en a d'autres qui comprennent comment on ne meurt pas après. Ça se fait exactement. Oui, c'est avec les échecs qu'on progresse et c'est pas si grave.

Ça ne veut pas dire qu'il faut en faire tous les deux lourds. En tout cas, il faut mettre en place des solutions et des schémas intellectuels pour les millions d'individus, c'est l'objectif. Mais tout comme le risque zéro n'existe pas, l'échec zéro n'existe pas non plus et t'en auras toujours.

Il y en a certains pour t'améliorer, tout simplement. Et ne reste pas là-dessus une semaine, c'est pas grave, ça arrive.


00:26:05 - Jérôme

En tout cas, merci Renaud pour ces explications. On y voit un peu plus clair quand même sur ton parcours, on y voit un peu plus clair sur ton profil, ton histoire. On va maintenant passer à la deuxième partie du podcast. Renaud, tu as choisi de parler de la rhétorique comme soft skills en product management pour s'armer contre la facette politique du métier.

Tu peux nous introduire à ce sujet ?


00:26:31 - Renaud

Oui, carrément. Alors déjà, pourquoi est-ce que j'ai choisi ce sujet-là et comment on peut y venir sur ma thème ? Il y a un élément, je pense, que tous les product managers ont ressenti et ressent par l'entreprise, c'est ce côté politique. On en parlait en off, je te montre l'une des études, je crois que c'est la Produconf qui a fait ça, et qui demande aux product managers quelles sont les principales choses qui les dérangent dans leur quotidien de product manager.

Et le truc qui monte numéro un, c'est la politique en entreprise. On a tous vécu un peu ce truc-là, qui est cette sensation de recevoir une certaine forme de pression, d'avoir des gens autour de soi, des managers, des fondateurs, des fondatrices, qui vont avoir un levier particulier, et qui, toi, vont t'empêcher, entre guillemets, de faire ce que tu vas estimer être la roadmap idéale.

Moi, en tout cas, c'est ma définition de la politique en entreprise adaptée aux product managers, c'est-à-dire qu'il y a toujours de la politique dans n'importe quelle entreprise et quel que soit le poste que tu occupes. Nous, en tant que product manager, ça se manifeste à travers cet objet qu'on appelle la roadmap, où finalement, tout le monde veut mettre sa feature dedans.

Je pense que là, j'invente rien, tout le monde voit très bien de quoi je parle. Et ça a tendance à nous peser un peu en tant que product manager, parce que nous, on est un peu dans l'idéal de « je vais faire ma discovery, je vais à la fin produire les meilleures solutions, et dans une roadmap, c'est pareil, la meilleure valeur ajoutée possible au regard de nos ressources ».

Et moyennant le fait que j'ai des parties prenantes et qu'on a toujours connu le push du fondateur ou d'instructrice qui a tout le monde convaincu que c'est la bonne feature, il faut la faire maintenant et pas demain. Et même s'il est seul à être convaincu de son truc, tu te retrouves à devoir lutter un peu contre ces phénomènes-là, et c'est très énergivore et ce n'est pas forcément ce qu'on aime faire.

Voilà, c'est comme ça que je définirais la politique dans le monde du product management. Et du coup, qu'est-ce qu'on fait ? Qu'est-ce qu'on fait pour se prémunir de ça ? Finalement, en bon PM, on a une problématique, on est en train de subir un truc, qu'est-ce qu'on peut mettre en face pour se dépatouiller un petit peu mieux avec ça ?

Et c'est comme ça que j'ai découvert la rhétorique, ou en tout cas que j'ai mis un mot dessus. J'aimais bien les discours politiques, les bonnes métaphores convaincantes et tout ça, je ne savais pas forcément qu'il faut s'appeler la rhétorique derrière, et puis en croisant un point, j'en suis arrivé là.

Et pour faire très simple, et spoiler, je ne suis pas un expert de la rhétorique, il y a des gens qui sont bien plus forts que moi, mais la rhétorique, c'est l'art de convaincre. C'est l'art de développer un argumentaire face à un adversaire qui va avoir l'argumentaire opposé et d'emporter de l'adhésion d'un public avec tes idées à toi.

Pour moi, la rhétorique, c'est ça.


00:29:06 - Jérôme

Et dans ton expérience personnelle, Renaud, comment ces problématiques de rhétorique se sont-elles matérialisées ?


00:29:12 - Renaud

Je pense qu'elles se sont matérialisées comme un peu tout product manager qui doit à un moment donné acter une roadmap. Déjà, on a un peu ce que je disais, les pushes de certaines personnes qui vont avoir du levier dans la boîte, qui vont avoir un peu le sentiment de cette idée du siècle et qui vont être super attachées à ça.

On a tous connu aussi le fameux baiser de confirmation de la personne qui un jour a une super idée, du coup elle considère qu'elle n'a que des super idées, du coup il ne faut mettre que ses idées dans la roadmap. C'est un peu comme ça que ça marche. Et globalement, il y a un phénomène quand même.

Je pense qu'on a tous à peu près les mêmes process dans les entreprises un peu structurées. On va présenter une roadmap à différents parties prenantes dans une belle salle de réunion et chacun va essayer de tirer un peu la couverture à soi. Le marketing peut-être va vouloir ses features et le client success n'est sienne pour pas que ses clients en churn.

Et le commercial, lui en fait, le churn c'est vraiment son sujet. Du coup il va vouloir ses features à lui pour pouvoir en vendre plus. Donc tout le monde essaye un peu de tirer la couverture à soi et toi tu dois te débrouiller avec ça. Essayer d'acter tant que faire se peut ta roadmap à la fin du meeting.

Donc comment tu fais avec ça ? Et je pense qu'en vrai tous les product managers qui nous aideront verront très bien de quoi on parle.


00:30:26 - Jérôme

Et dans ton expérience personnelle, tu peux nous citer des exemples de situations auxquelles tu as été confronté ou pas ?


00:30:33 - Renaud

Oui, alors ça va être plus pas un exemple de discussion précise sur une fonctionnalité précise, quoique on pourrait en trouver, mais c'est plus une question de personnalité. Dans ma précédente boîte, j'avais un fondateur très théâtral, qui est extrêmement drôle et qui le fait très très bien.

Et du coup, quand tu mets un peu le mélange de le levier, parce que c'est quand même la personne la plus haut hiérarchiquement de la boîte, très théâtral dans la manière de raconter les choses et tout ça, tu te retrouves en fait avec quelqu'un qui est super convaincant, qui a l'avis d'une audience et qui en plus a son levier un peu sur les gens.

Donc comment tu fais pour contrer des idées comme ça ? La solution, c'est de rentrer dans son jeu et d'être tout aussi théâtral que lui, de le prendre à son propre jeu et c'est là que tu arrives à avoir des discussions plus équilibrées. Je pense que c'est sur ce genre d'événement que je me suis dit « putain, il va falloir que je pose quand même ma rhétorique ou ma capacité à répondre » parce que quand tu as quelqu'un qui est très théâtral, qui a du levier et qui le fait très bien, tout le monde est un peu ébahi d'une certaine manière et c'est comme ça que tu laisses la personne gagner en termes d'argumentaire et de discours.

Après, la personne obtient tout ce qu'elle veut à la fin. Je pense que ça a été mon principal adversaire, entre grands guillemets, qui m'a permis de développer mon esprit rhétorique.


00:31:53 - Jérôme

Tu penses que c'était un peu l'expérience pionnière qui t'a permis de t'ouvrir à la rhétorique ?


00:31:57 - Renaud

La vraie expérience pionnière, ça a été, là je reviens en arrière, quand j'étais chargé de casting sur The Voice. Parce que pour le coup, tu te retrouves d'un coup dans une dynamique où tu représentes un projet qu'absolument tout le monde connaît. Toi, tu n'es personne, mais le projet est énorme.

Et tout ce que tu vas dire à ce moment-là, tu as un peu l'impression d'être une mini personnalité politique. Je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire. Tout ce que tu vas dire, à la virgule près, à l'intonation près, tu as toujours des gens qui t'écoutent et qui vont à tes pieds.

Mais est-ce que ça veut dire que, je ne sais pas, ma fille va participer à l'émission ou pas ? Est-ce qu'elle a beaucoup de chance ? Tu vois, ils vont toujours être les gens constamment en train d'évaluer leur probabilité que ça fonctionne pour eux. Et tu dois faire très attention à tout ce que tu dis, comment tu dis, les arguments que tu amènes aussi.

Tu peux très vite dériver sur des choses que tu ne maîtrises pas. Par exemple, tu vas avoir des contrats avec une maison de disques à la fin. Tu vas avoir un contrat éventuel avec TF1. Il y a des choses qui s'emmènent. Il faut se faire très attention parce qu'on va te poser des questions sur ces domaines-là.

Sauf que toi, tu n'es pas expert de ces domaines-là. Comment tu fais pour répondre et ne pas dire de la merde qui pourrait se retourner contre toi très rapidement ? L'expérience pionnière, c'est vraiment ça. C'est un peu de me réveiller du jour au lendemain en me disant « Mince, en fait, là, dès que je parle, on m'écoute.

» C'est con, hein ? « Dès que je parle, on m'écoute vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup. » Et puis tes mots ont un poids, une signification.


00:33:16 - Jérôme

Et puis surtout, la première expérience que tu dis, c'est qu'il y a des conséquences au final. Exactement, il y a des conséquences. Ce que tu dis peut être interprété, surinterprété. Il peut y avoir des conséquences bénéfiques comme dramatiques. Et par la suite, une fois que tu as un peu cultivé cette notion de rhétorique sur le poids des mots, tu es passé vraiment sur quelque chose de plus théâtralisé.


00:33:38 - Renaud

De plus rodé, finalement. C'est un personnage qui sait ce qu'il fait, qui essaie de savoir ce qu'il fait.


00:33:45 - Jérôme

Maintenant, nos auditeurs, ils aimeraient quand même savoir des exemples un peu plus concrets, en tout cas, qu'ils puissent, de leur côté, appliquer. Concrètement, tu peux nous donner quelques exemples de conseils simples et activables pour nos auditeurs ?


00:33:58 - Renaud

Je ne vais pas rentrer dans le... J'essaie vraiment de donner des petites choses simples parce que c'est un domaine d'études qui est assez large et on pourrait en parler longtemps. Si je devais un peu résumer les choses que j'utilise au quotidien et qui m'aident au quotidien et qui me paraissent assez simples à activer dans la vie de n'importe quel product manager, le premier, c'est quand on arrive dans une entreprise ou quand on rentre dans un projet de conviction, d'être capable de s'approprier le mode de communication du manager et souvent, a fortiori, de l'équipe qu'on veut convaincre, quelle que soit l'idée derrière.

On sait qu'en entreprise, chaque équipe va avoir un peu son jargon. Moi, je dis souvent qu'une équipe a l'image de son manager. En gros, si tu es capable de parler comme le manager, tu vas un peu plus facilement parler à l'équipe. Ça, c'est un peu une question de langue.

Si on parle la même langue, on se comprend mieux. Et si on se comprend mieux, pour se convaincre, ça devient quand même un petit peu plus simple. Donc, mon premier conseil, c'est appropriez-vous à la fois l'attitude du manager ou de la manageuse de l'équipe avec laquelle vous travaillez pour expliquer quelque chose et de vous approprier sa sémantique aussi, d'utiliser les mêmes mots.

Ça, c'est très fort en rhétorique. Quand on veut convaincre de quelqu'un que ton idée, on ne va pas la faire, si tu dis avec la même sémantique que la personne, elle va rentrer dans ton argumentaire un peu plus facilement. Ça abolit une forme de barrière.

S'adapter, quoi. Voilà. S'adapter, finalement, c'est un terme assez large. Pour moi, s'adapter dans le discours, qu'est-ce que ça veut dire ? Utiliser à minima les mêmes éléments de langage et la même sémantique que la personne que j'ai en face de moi.

Parce qu'aussi, si je la prive de sa sémantique quelque part, je la prive un peu d'argument de réponse, d'une certaine manière. Je te prends un exemple tout bête de mon expérience personnelle. Avec l'un de mes anciens fondateurs, je me suis rendu compte que quand on parlait de l'argent qui rentre dans l'entreprise, moi, je parlais de chiffre d'affaires et lui, il parlait de MRR ou d'ARR.

Fondamentalement, quand on invoque ces deux notions-là, on parle de la même chose, mais on en parle avec des mots différents et ça crée une petite barrière qui est inutile, en fait.


00:36:01 - Jérôme

Oui, je vois très bien. Et tu as un autre exemple un peu activable, comme ça ? Alors, j'ai fait une plus petite liste, ne t'inquiète pas Jordan.


00:36:10 - Renaud

Dis-nous tout. Le deuxième point, quand on sait qu'on va rentrer dans un débat, en général, en tant que PM, c'est un peu en amont. Quand il y a une feature qui est un peu clivante, soit une feature qu'on nous pousse et qu'on n'a pas trop envie de faire, ou inversement, une feature où le produit est persuadé que c'est le truc à faire, mais tu as quelques parties prenantes qui ont beaucoup de levier dans la boîte et qui ne sont pas très convaincus, on a tous connu ce genre de fonctionnalité-là.

Et pour moi, quand tu veux défendre un discours, ce qui est très fort, c'est de se faire l'avocat du diable. C'est-à-dire que tu te mets soit seul ou en équipe et tu prends le temps, une demi-heure, une heure, de jouer un peu au théâtre et de te mettre à la place de tes adversaires sur le plan rhétorique et de lister toutes les choses que tu penses qu'on pourrait t'opposer.

Tu vois, ça paraît bête dit comme ça, mais en fait, cet exercice-là va te permettre de lister 5, 6, une dizaine d'arguments et, OK, si la personne, elle me répond ça, qu'est-ce que je réponds, moi ? Et de travailler, d'anticiper un peu en amont, du mieux possible, toutes les choses qu'on pourrait t'opposer, en fait, à ton argumentaire à toi.

Et si tu as bien fait ton boulot et que tu as bien réussi à anticiper ces arguments-là, ce qui vient avec le premier point d'ailleurs, si tu es capable de t'approprier le mode de communication et le mode de pensée de tes adversaires rhétoriques, là, c'est beaucoup plus facile pour faire cet exercice-là.

Après, quand tu arrives dans ta réunion, paf, l'argument, il tombe et là, tu as ton petit sourire de satisfaction parce que tu as déjà ta réponse toute prête qui sort. En plus, le sentiment que tu donnes à ce moment-là, c'est, ah, wow, putain, le gars, il est super calé sur son sujet, tu vois ?


00:37:35 - Jérôme

Oui, tu maîtrises, tu as le côté gratifiant aussi de ton côté parce que tu as anticipé plein de ce qu'il fallait au bon moment.


00:37:43 - Renaud

C'est ça. Et au final, le propos, c'est une chose… En gros, s'il y a une chose essentielle à comprendre en rhétorique, c'est qu'un argument qui va être considéré comme rigoureux, et ça, j'y reviendrai après dans mon troisième point, il n'y a pas forcément un argument qui va être convaincant dans l'esprit humain.

Et le simple fait d'avoir un truc à répondre du tac au tac, ça te rend très très convaincant, en fait, à condition que la réponse ne soit pas éclatée au soleil. On est bien d'accord. Mais si tu as une bonne réponse, et là, on se dit, ah, wow, il m'a séché, là, tu vois ?

Et donc, oui, c'est extrêmement convaincant quand tu sais à l'avant qu'on va t'opposer. C'est un peu, pour ceux qui ont lu « L'art de la guerre » de de Sun tzu, si tu connais ton ennemi, tu te connais toi-même, alors tu gagneras 100% des combats. C'est un peu le décliné version Product Management.


00:38:29 - Jérôme

Et c'est quoi ton troisième conseil ?


00:38:31 - Renaud

C'est plus un point, un petit ajuste que j'aimerais faire à tous mes amis Product Managers, plus qu'un conseil final, c'est ce que je vais appeler la rhétorique des chiffres. Nous, on nous demande, et à juste titre, d'être toujours plus data-centriques, et d'avoir nos données, nos statistiques, nos études, tout ça, pour appuyer, pour argumenter ou contre-argumenter, d'ailleurs.

Il y a une problématique, pour moi, avec les chiffres. Je vous invite à partir d'un principe simple. Une statistique n'a aucun pouvoir de conviction en tant que tel. Ce qui compte, c'est l'histoire qu'on va mettre autour, c'est le contexte qui va se mettre autour.

Et là, je remontais un peu sur ce que je te disais juste avant. Un argument rigoureux, et on va dire qu'une étude statistique quantitative, on va le considérer comme un argument très rigoureux, en tout cas, parce que ce n'est pas quelque chose d'un peu fumeux.

Ce n'est pas forcément un argument convaincant. Parfois, c'est un peu énervant, mais une simple expression française ou une petite métaphore, il y a une expression qui fonctionne très bien, qui est le bon sens. De dire à quelqu'un, mais c'est du bon sens de penser ceci, ou c'est du bon sens de faire cela.

Le bon sens, ça ne répond sur aucun argument scientifique, tu vois. Mais par contre, ça a souvent le mérite d'être très convaincant dans un discours. On dit, ah ouais, c'est vrai que c'est du bon sens. On ne sait pas ce que ça veut dire, mais on se dit que c'est vrai.

Et du coup, ça y est, c'est bon, l'argument est passé, alors que tu n'as rien invoqué, en fait, finalement, en termes de rigueur. Et quand on est data-centrique et qu'on travaille bien sur un sujet, on a nos statistiques et tout, et on s'approprie ces statistiques-là.

Et de mon expérience, pour avoir bossé avec plusieurs d'UPM, je trouve qu'on a tendance un peu à s'arrêter au chiffre, comme si le chiffre était autosuffisant. Et là, j'en reviens à mon conseil, ne considérez jamais, jamais, jamais, que une statistique ou qu'un chiffre est autosuffisant pour convaincre.

Il ne sert à rien, absolument à rien, s'il n'a pas le discours derrière, s'il n'a pas une histoire, en fait. À mon sens, il ne peut pas être le socle d'un argumentaire.


00:40:14 - Jérôme

C'est un exemple, justement, pour nous matérialiser un peu ce côté, on peut faire dire ce que l'on veut aux data.


00:40:19 - Renaud

Exactement, c'est finalement un petit peu ça. J'en ai plein, et il y en a un, qu'on avait cherché des exemples en préparant le podcast, et finalement, la vie m'en a offert un très sympa, il y a quelques jours, enfin sympa, en tout cas très parlant. C'est notre ministre des Armées qui était invité sur Engine.

info pour parler de ces sujets, et notamment de l'aide militaire que la France et ses alliés fournit à l'Ukraine. Ça, c'est pour le contexte général. Et plus particulièrement, le ministre était interrogé sur les armes longues portées. Alors ça, on est dans un truc très militaire.

En gros, nous, les alliés, l'OTAN, on est d'accord pour livrer des armes de longue portée à l'Ukraine, à condition qu'elles ne s'en servent pas pour taper sur le territoire russe. C'est un peu ça. Si vous vous en servez pour taper sur des parties du territoire qui sont occupées par vos ennemis, on est d'accord avec ça.

Par contre, si vous ciblez à l'extérieur de votre territoire, on n'est pas d'accord. Ce qui a fait l'objet de plusieurs débats et tout ça. Et donc, on sait aussi récemment que l'armée ukrainienne a été en mesure de taper directement dans le territoire russe.

On ne sait pas nécessairement avec quelles armes, mais en tout cas, ils l'ont fait. Et donc, le ministre est interrogé par le journaliste sur cette question-là. En gros, on a demandé, est-ce que nos armes ne soient pas utilisées sur le territoire russe ?

Est-ce que c'est vraiment respecter cette condition ? Et là, le ministre répond, il a fait ce qui, à mon sens, est une erreur. Il doit répondre en considérant qu'un argument chiffré est autosuffisant. Il répond, mais vous savez, on sait que 99,8% des armes que nous livrons en Ukraine ne sont pas utilisées pour frapper en Russie.

99,8%. Ce qui, dans sa tête, équivaut à 100%, en fait. En tout cas, c'est ce qui veut nous faire croire. Et le journaliste lui répond très justement, « Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas ignorer la symbolique des 0,2% restants ». Et là, ça en suit après tout un débat.

Je ne rentre pas dans le détail, mais en gros, ça dure cinq minutes. Et à la fin, le ministre finit en disant, « Il s'agirait de ne pas confondre qui est l'agresseur et l'agressé dans cette histoire ». En gros, si je reprends un peu de hauteur, on est parti dans 99,8%, qui était censé être un no-brainer absolu, tel qu'il a été vendu, en tout cas, et qui s'est fait mettre à l'amende, si je puis dire, par le petit 0,2% qui traînait.

Parce que, à mon sens, la simple symbolique, quand le journaliste dit « Vous ne pouvez pas ignorer la symbolique qui représente le 0,2% », il a raison. Et c'est là où on en arrive au stade où, en fait, le symbole, même si la proportion est « minuscule », le pouvoir du symbole par-dessus cette proportion fait que ça oblige le ministre à se justifier.

Et je trouve que c'est un bon exemple. Un chiffre en tant que tel ne sert absolument à rien. Je n'avais qu'un conseil à donner. Soyez datacentriques et développez vos chiffres parce que c'est hyper important pour soutenir un argumentaire, mais n'en faites absolument jamais la base de votre argumentaire.

Ce qui convainc les gens, ce sont des histoires. Et le cerveau est fait d'émotions, il est fait de symboles, il est fait de toutes ces choses-là. On est convaincu par des émotions et par des symboles. On est factuellement beaucoup plus facile à convaincre par des jolies métaphores que par des chiffres qui, pourtant, ont l'air un peu « no-brainer » quand on les regarde comme ça.


00:43:26 - Jérôme

Merci, Renaud, pour ces conseils. Tu aurais un autre conseil, un dernier conseil pour nos auditeurs ?


00:43:32 - Renaud

Oui, j'en ai quelques-uns, alors qu'ils sont plus… Je dirais qu'il y en a un, c'est plus pour voir les choses venir. Il y a un truc… Quand on travaille sur la rhétorique, je pense que c'est important d'aller migrer sur les biais cognitifs aussi parce que c'est présentement lié.

Et il y en a un biais cognitif, je ne prononce plus le nom technique parce qu'ils ont toujours des noms techniques à la mords-moi le noeud. Mais le fait de parler régulièrement d'un sujet, en fait, ça crée une sorte de promotion naturelle d'un sujet. Plus on en parle, plus ça devient plausible et plus ça devient probable.

Et ça, typiquement, quand on a le fameux cas du « push » fondateur qui vient de crevoir tous les deux jours avec son idée de finiture, au début, les gens n'écoutent pas. Tu vois, tu as différentes parties prenantes. Et puis, une fois, deux fois, trois fois, quatre fois… Au bout d'un moment, c'est le genre de sujet qui finit par atterrir dans ta roadmap et personne ne sait pourquoi.

Pour la simple raison que tu as une personne qui a du levier et qui en a parlé tous les jours. Donc ça, c'est important d'avoir en tête ce biais-là pour essayer, tant que faire se peut, de l'exclure tout de suite des conversations, tu vois, ou de le remettre à plus tard, de jouer sur le fait… Ok, bien, là, on a déjà la roadmap qui est prête sur trois mois, six mois.

Ton sujet, j'ai bien entendu, on va mettre des gens dessus, on va travailler, on va dire, on n'en parle pas. On s'en reparle dans trois, quatre mois. C'est évidemment plus difficile à faire qu'à dire. Mais en tout cas, avoir ce truc en tête de si quelqu'un revient très souvent te voir avec le même sujet, il y a un moment, ça va un peu s'imposer de facto dans ta roadmap.

Soit essayer de couper le sujet, soit dire, ok, ça va rentrer, ça va falloir que je me débrouille avec.


00:44:59 - Jérôme

Donc c'est à la fois le biais cognitif de la répétition que tu peux faire passer un peu aux forceps, certaines idées, certaines features, mais ça peut être également une arme.


00:45:07 - Renaud

Exactement. Tous les conseils que je donne là, en fait, sont tous à double tranchant. C'est-à-dire que c'est à la fois des choses que les gens peuvent exploiter contre nous, enfin contre nous, en tout cas pour nous convaincre de quelque chose ou convaincre notre auditoire, nos stakeholders de leur point de vue, mais c'est aussi des choses qu'on peut utiliser nous pour soit contrer ces arguments-là ou soit faire un peu la même chose.

Évidemment, ça marche dans les deux sens. C'est un peu forceur de faire ça, mais si tu es convaincu que tu as un sujet qu'il faut faire et que tu en parles tout le temps, il y a un moment, il va atterrir dans ta roadmap, même si tu n'as fait zéro de discovery.

C'est juste parce que tu en as parlé tous les jours. Parce que ça va, ça se normalise, tout simplement.


00:45:43 - Jérôme

Tu aurais des derniers conseils vraiment à transmettre à nos auditeurs ?


00:45:47 - Renaud

Ouais, je vais terminer avec deux petits points. Le premier, à mon sens, quand on doit faire face à du push, c'est plutôt un conseil défensif. C'est de toujours interroger sur la rationalité de la temporalité évoquée par notre interlocuteur. Ça sera un peu compliqué, mais en gros, quand on a une bonne idée, ça aussi, c'est un biais cognitif humain.

Quand on est persuadé d'avoir une bonne idée, ça devient un peu, de facto, notre priorité. On est sûr que c'est bien, on veut le faire tout de suite. Le simple fait d'interroger sur la rationalité, dire OK, peut-être que c'est une bonne idée, ça a l'air cool, mais si on ne le fait pas dans les deux mois, c'est grave ?

Ben non, ce n'est pas grave. Ça peut déjà t'aider à débouter à un truc, de juste remettre un peu de rationalité temporelle, dire OK, très bien, ne t'excite pas, on en reparle. Essayer d'interroger sur la rationalité. Moi, en tout cas, de mon expérience, à chaque fois que j'ai fait ça, je me suis rendu compte que ça a apaisé les discussions assez facilement, parce qu'on te répond assez facilement, oui, bon, si ce n'est pas fait tout de suite, en fait, l'idée ne sera pas moins bonne d'ici deux mois.

Ça peut aider à se sortir un peu de ça. Et le dernier point, je pense qu'on le sait tous, mais on n'y pense pas forcément, surtout quand on a fait un travail de discovery un peu élaboré, l'attention des gens, elle est super limitée. Elle est hyper limitée.

Donc, il faut être, pour convaincre avec un truc, il faut être percutant, il faut privilégier, à mon sens, les métaphores et vraiment les formulations percutantes, parce que si tu as fait un travail de discovery qui se résume en une heure, en fait, les gens, ils ne vont pas t'écouter une heure.

Et peut-être que s'ils t'écoutaient une heure, ils seraient super convaincus par ton truc, mais la réalité, c'est qu'ils vont écouter les 30 premières secondes, et après, ils vont ouvrir leur PC, ils vont répondre à leurs messages comme tout le monde fait en réunion.

C'est comme ça que ça se passe. Vraiment, quand vous avez fait un gros travail de fond, si vous n'êtes pas capable de le résumer avec deux, trois formules percutantes, c'est un peu dommage, parce qu'en fait, vous allez avoir du mal à convaincre, alors que le travail, il est sans doute exceptionnel.


00:47:36 - Jérôme

Oui, donc, notion d'impact quand même. Il faut avoir un discours impactant, et on revient toujours au même problème, le storytelling est plus important que tout le reste.


00:47:45 - Renaud

Exactement. Si on pouvait vraiment conclure sur ça, oui, c'était que ça peut paraître idiot, parce que nous sommes des gens pragmatiques, globalement, les product managers, les profils un peu ingénieurs aussi, sont des gens très pragmatiques, mais en réalité, le cerveau humain ne fonctionne pas avec des chiffres, il fonctionne avec des histoires, il faut être capable de se désapproprier.


00:48:04 - Jérôme

En tout cas, merci Renaud, pour cette discussion sur la rhétorique, ton sujet de prédilection de ce podcast. Pour aller plus loin, tu as quelques ressources que tu recommanderais pour approfondir le sujet ?


00:48:13 - Renaud

Oui, alors, il y en a une qui, à mon sens, est extraordinaire, ça s'appelle « Couvoir de la rhétorique » de Clément Viktorovitch, c'est un livre qui a été déjà pas mal vendu, et des auditeurs peuvent le connaître, mais vraiment, pour lui, Clément Viktorovitch est un expert de la rhétorique, bien plus que je ne le serai jamais, et son livre est à la fois génial d'enseignement et très facilement activable, il y a beaucoup de conseils, donc vraiment, s'il y avait une chose à acheter, pour moi, ça doit faire partie de la bibliothèque, d'un product manager, la question ne se pose même pas.

Il y en a une autre de ressources que j'aime bien, qui est un peu plus du côté de la philosophie, c'est « L'art d'avoir toujours raison » d'Arthur Schopenhauer, c'est un petit livre, je crois que c'est une cinquantaine de pages, et c'est un peu à la manière d'un art de la guerre, c'est une liste de stratagèmes rhétoriques à utiliser, comment les utiliser, ça se lit assez rapidement, une cinquantaine de pages, et ça aussi, pour former son esprit, c'est vachement bien.

Et après, de manière générale, je vous invite les gens, je sais qu'il y a des livres, je n'ai plus sous la main, je n'ai pas le titre, mais tu sais, les plus grands discours politiques, ou les 50 ou les 30 plus grands discours, machin, je vous invite à vous alimenter de ça, parce que finalement, l'art rhétorique, c'est dans la politique qui s'exprime le plus, la vraie politique, je ne parle plus de la politique en entreprise, je parle de la politique démocratique, électorale, tout ça, il y a des grands discours qui sont très puissants, il y a des grandes formules qui sont très inspirantes et qui peuvent aider à façonner ton esprit, pour toi, justement, à être percutant dans un temps assez court.


00:49:39 - Jérôme

Oui, donc s'en inspirer, s'les approprier, essayer par mimétisme de les réappliquer.


00:49:43 - Renaud

Oui, par mimétisme, bien sûr, on ne peut pas copier-coller des discours politiques et les adapter à nous, mais tu vois, quand on parlait de convictions, il y a des grandes phrases, de la politique française et internationale, qu'on a tous entendues et qui sont très fortes et qui, finalement, ne sont pas des arguments aussi rigoureux que ça.

Je crois que c'est Jacques Chirac qui disait à propos de l'écologie, « Notre maison brûle et nous, pendant ce temps, nous regardons ailleurs. » C'est juste une métaphore, tu vois, mais cette métaphore, elle a fait date et les gens s'en sont rappelés.

Il y avait Winston Churchill qui en a fait pléthore aussi, des choses comme ça. Il y en a une que j'aime bien, je crois que je terminerai là-dessus, c'est dans le discours de l'une des reines d'Angleterre, alors pas la reine qui est décédée récemment, mais un peu plus à l'époque, je crois que c'était Elisabeth Ier, qui, dans je ne sais plus quelle guerre, fait un discours pour motiver ses troupes.

Elle, elle est une femme, donc une femme au combat, c'était quand même une chose assez rare. Et puis, oui, c'était plutôt des gros messieurs avec des grosses épées et des grosses armures, tu vois. Et en gros, elle dit, « Je sais que mon corps est celui d'une faible femme, mais j'ai le cœur et l'estomac d'un roi, et d'un roi d'Angleterre.» Au-delà de cette phrase-là qui a fait date dans le discours, il y a tout un discours derrière où on a une jeune reine qui parvient à justifier que non seulement, oui, c'est une femme à la tête d'un royaume, mais oui, c'est une femme à la tête d'une armée, et oui, elle va emmener ses troupes à la victoire.


00:51:12 - Jérôme

Je trouve que le discours est très beau. Merci en tout cas, Renaud. C'est une très belle conclusion pour cette partie. C'est une conclusion féministe en plus, c'est très bien. C'est très beau, c'est dans l'air du temps. C'est ce qu'on veut. Renaud, avant de conclure, il y a des personnes que tu conseillerais comme invité pour notre prochain podcast ?


00:51:28 - Renaud

Oui, j'en pense à une personne que j'adore. Elle s'appelle Margo Companie. C'est la première personne à m'avoir recrutée en tant que stagiaire PO à l'époque. Et au-delà de ça, c'est une femme extrêmement brillante. Alors là, on est sur un parcours complètement opposé.

On est sur HEC, on est sur un cerveau extrêmement bien rempli. Et en plus d'être brillante, elle a le défaut d'être extrêmement sympathique. Donc, je te recommanderais...


00:51:54 - Jérôme

C'est très embêtant. C'est très embêtant, oui, comme défaut. Ce sera un plaisir en tout cas de l'accueillir dans ce podcast. Merci en tout cas, Renaud. C'était une conversation extrêmement enrichissante. Et merci à nos éditeurs pour leur écoute. T'aurais quand même un petit mot de la fin pour conclure le podcast ?


00:52:12 - Renaud

Oui, merci à tous déjà. J'espère que ça vous aura plu. Et je suis dispo sur LinkedIn si vous voulez parler de ces sujets-là ou quoi, avec grand plaisir. C'est des sujets qui me fascinent. Et pour conclure sur la rhétorique, il y a une chose quand même que je n'ai pas dite avant, mais qui me paraît importante.

C'est que quand on développe des armes, on va appeler ça comme ça, pour convaincre et que ça commence à fonctionner, on peut entraîner les gens sur la bonne pente, on va dire ça comme ça, mais on peut aussi entraîner les gens dans de mauvaises idées.

Donc pour moi, le penchant essentiel, c'est que quand on sent qu'on devient de plus en plus convaincant par ce travail-là, il faut aussi qu'il y ait une hygiène intellectuelle qui évolue de son côté, parce que quelque part, être convaincant, c'est une responsabilité et il faut être sûr que tu n'envoies pas les gens dans la mauvaise direction.


00:52:53 - Jérôme

En tout cas, merci Renaud pour cet échange et merci à nos auditeurs pour leur écoute. On donne rendez-vous dans le prochain épisode de Be My Product où on espère accueillir l'invité de Renaud. À très bientôt. Salut tout le monde. Merci d'avoir écouté.



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